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Premiers pas dans la vie active – Lucie Laudrin et Martin Teillet


Actualités . 12 Juil. 2022

Il y a un an à peine ils étaient encore étudiants et finissaient leur film de fin d’études. Nous les retrouvons quelques mois après, diplômés et entrés dans la vie active. Pour nous, Lucie Laudrin et Martin Teillet nous racontent leur entrée dans le monde professionnel. L’une chez Mikros au Canada et l’autre à Paris chez Illumination Mac Guff.

Rencontre avec Lucie Laudrin, co-réalisatrice du film Mésozoïque Alternatif, et de Martin Teillet, co-réalisateur du film Bourdonnement tous deux diplômés de la formation Cinéma d’Animation 3D et Effets Spéciaux. Ils évoquent leur entrée dans le monde du travail, la première s’est envolée pour le Canada et le studio Mikros tandis que le second s’est installé à Paris pour rejoindre les équipes du studio Illumination Mac Guff.

Comment s’est passée ta recherche d’emploi ?

Lucie Laudrin : J’ai focalisé ma recherche d’emploi sur la ville de Montréal, je voulais absolument trouver du travail là-bas pour rejoindre mon copain déjà sur place. C’était assez incertain parce que je limitais mes recherches à une seule ville en ne sachant pas si j’allais y trouver du travail, mais mes doutes se sont assez vite envolés puisque j’ai passé deux entretiens en septembre et j’ai eu une réponse positive quelques jours plus tard.

Le plus stressant a finalement été d’obtenir mon permis de travail car à cause du covid, il était difficile pour les artistes 3D étrangers de venir travailler au Québec et c’était précisément mon cas. Mais après de longues semaines d’attente, tout a fini par rentrer dans l’ordre et j’ai pu m’envoler pour le Canada fin novembre, juste avant l’arrivée de la neige !

Illustrations de recherche des dinosaures film mésozoïque alternatif

Martin Teillet : J’ai eu la chance de ne pas avoir à chercher d’emploi. Après la projection des films de fin d’études, j’ai rencontré le superviseur lighting d’Illumination Mac Guff au jobfair (ndlr : journée d’entretiens entre les étudiants diplômés et les studios organisée par l’ESMA lors du jury de fin d’études) qui m’a proposé à moi et à un autre membre de mon équipe de passer un entretien avec eux. Les démarches ont pris quelques mois, mais entre-temps un ancien étudiant de l’ESMA m’avait proposé au studio Supamonks qui recherchait quelqu’un en lighting-compositing sur de la série. J’ai donc commencé a travaillé deux semaines après la projection. D’abord pendant 2 mois chez Supamonks en attendant ma date d’embauche chez Mac Guff, puis depuis novembre chez Mac Guff en tant que lighting artist.

Quel est ton poste actuel et en quoi consistent tes missions ?

L.L. : Je suis artiste en set surfacing/texture chez Mikros Montréal où je travaille sur le long métrage d’animation Thelma the Unicorn qui sortira sur Netflix.

Mon travail consiste à ajouter des couleurs, des textures, de la matière aux objets que je reçois du département modeling, où ils sont encore tout gris. Je m’occupe de la partie set : cela englobe à la fois les objets qui vont être animés mais aussi tous ceux qui ne bougent pas et qui constituent les décors. En gros, tout ce qui ne touche pas aux personnages. C’est très diversifié car il y a beaucoup d’objets et donc beaucoup de matières différentes à travailler. Je peux par exemple être amenée à travailler sur une grappe de raisins et le lendemain sur une voiture.

M.T. : Actuellement je suis donc lighting artist chez Illumination Mac Guff. Je travaille principalement sur les éclairages des shots du film et l’optimisation des temps de rendu des shots. Mais j’ai aussi la chance de pouvoir travailler sur la mise en place du lighting sur les sets afin que les départements en amont puissent avoir une vague idée de l’ambiance globale de la future séquence. Il y a aussi une dimension de résolution de problèmes afin de pouvoir au moins identifier d’où vient un problème et dans quelles conditions il se manifeste et, si possible, le régler directement.

Peux-tu nous raconter tes premiers pas dans l’univers professionnel ?

L.L. : Ma toute première expérience professionnelle s’est faite en fin de deuxième année lors d’un stage en texturing/surfacing chez Digital Graphics, près de Liège en Belgique, où je travaillais sur la série d’animation Les Blagues de Toto, en coproduction avec le studio français Superprod. Je devais principalement texturer un décor récurrent dans la série : l’intérieur de l’école. C’était enrichissant de pouvoir travailler sur une vraie production qui allait passer à la télé et aussi rassurant de voir que j’étais capable de faire le travail qu’on me demandait alors que je n’étais qu’en deuxième année. Globalement ce stage s’est super bien passé, aussi bien sur le plan professionnel que relationnel.
Ça fait maintenant un peu plus de six mois que je suis chez Mikros Montréal où j’ai commencé à travailler deux jours après mon arrivée au Canada. C’était assez intense entre le changement de continent, le décalage horaire, la formation au pipeline et à certains logiciels que je ne connaissais pas, ainsi que la prise en main du style graphique du film… J’ai eu la chance de pouvoir faire tout ça sur place avec mon superviseur et mes collègues présents quotidiennement au studio, car à peine un mois plus tard, on a été forcé de faire du télétravail à cause du Covid. Heureusement on a pu retourner sur place début mars et les équipes du film ne font que s’agrandir depuis, on rencontre sans cesse de nouvelles personnes !

keyshot et image finale film bourdonnement esma

M.T. : J’ai commencé chez Supamonks en lighting-compo sur de la série en télétravail. J’étais assez stressé au départ, nous étions 3 dans ce département pour cette production. Finalement tout s’est très bien passé, mon superviseur m’a très vite expliqué quelles étaient les exigences vis-à-vis du nombre de shots à sortir par jour et la qualité attendue. C’était une très bonne expérience et je ne me suis pas senti repoussé dans mes retranchements vis-à-vis de ce que l’on avait pu apprendre et produire à l’ESMA, même si les quotas attendus étaient supérieurs à ceux que l’on avait sur nos films de fin d’études.

Ensuite chez Illumination Mac Guff, j’ai commencé à travailler dans une équipe beaucoup plus conséquente, (vraiment) beaucoup moins de shots à sortir par jour, mais plus d’attentes sur la qualité du travail que l’on fournissait. Il y avait également beaucoup de choses à réapprendre, le pipeline d’une grosse production, le logiciel de 3d et le moteur de rendu qui sont propriétaires à la boîte. Mais j’ai eu la chance d’être bien formé par mon superviseur avant de commencer à travailler sur les vrais shots du film, afin que l’on puisse apprendre les spécificités liées à leurs logiciels. Les fondamentaux restaient les mêmes que ceux qu’on avait pu voir sur notre formation.

Comment as-tu vécu cette entrée dans le monde professionnel ? Cela correspondait à tes attentes ?

L.L. : Elle ne s’est pas tout à fait passée comme je l’avais imaginée. Après l’ESMA, j’étais partie dans l’idée de faire du lighting, alors j’ai naturellement postulé pour ce département dans les studios qui m’intéressaient. J’ai été contactée par Mikros, mais ils n’avaient pas d’offre de disponible en lighting, alors ils m’ont proposé de commencer en set surfacing et je me suis donc retrouvée un peu par hasard à faire un travail que je n’avais pas du tout prévu de faire.

Maintenant que le film est un peu plus avancé, je commence à être formée en lighting pour changer de département dans les prochains mois. Je suis contente d’avoir eu la possibilité de travailler dans deux domaines différents, c’est très enrichissant et le surfacing m’a apporté des connaissances qui, je suis sûre, me seront très utiles en lighting.

image extraite du film mésozoïque alternatif

Travailler sur des projets professionnels, qu’est-ce que cela fait ?

L.L. : C’est génial ! J’ai la chance de travailler sur un long métrage avec un certain budget ce qui fait que je peux prendre le temps de détailler chaque objet et de proposer différentes versions, sans pour autant être hors budget. Ce n’était pas toujours le cas sur le film de fin d’études parce qu’on devait fournir une grosse quantité de travail très vite car la deadline était serrée. C’était frustrant de ne pas pouvoir passer plus de temps sur mon travail pour l’améliorer, alors je suis contente de pouvoir me le permettre sur ce film.

M.T. : C’est super intéressant. J’ai la chance de travailler sur des projets qui me faisaient déjà rêver quand j’étais plus jeune, de découvrir par la même occasion comment s’organise une production à grosse échelle, de prendre le temps d’automatiser des tâches répétitives et moins intéressantes, et surtout de pouvoir prendre le temps de pousser un lighting jusqu’à la qualité attendue sur une grosse production de film d’animation.

Après ces quelques mois post-école, quel regard jettes-tu sur ta formation à l’ESMA ?

L.L. : J’ai appris énormément de choses à l’ESMA et le gros point positif selon moi, c’est le côté généraliste de la formation. Je suis vraiment reconnaissante d’avoir pu me faire une idée des nombreux métiers qui touchent à la 3D à travers des profs passionnés et de comprendre comment les différents départements fonctionnent entre eux. Ça nous ouvre à plein de choses et ça m’a donné la possibilité de travailler dans plusieurs départements une fois sortie de l’école et ça, c’est vraiment cool.

Les méthodes de travail et les logiciels appris à l’école sont aussi très proches de ceux utilisés en studio, je me suis personnellement vite sentie à l’aise. Même sur les logiciels que je ne connaissais pas, le principe reste le même que ce que l’on a vu à l’école donc l’adaptation se fait rapidement.

colorscript film bourdonnement esma

M.T. : Je pense que j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir intégrer l’ESMA. Je m’exprimerai surtout pour l’école nantaise, mais on a eu la chance d’avoir une équipe pédagogique et des professeurs au moins aussi passionnés que les élèves, qui nous ont toujours poussé créativement et accompagné techniquement, qui de plus avaient eux aussi envie d’apprendre quand les élèves voulaient tenter des choses qui sortaient un peu du cadre de la formation. On avait en fin de quatrième année avec eux une relation qui ressemblait finalement beaucoup à celle que je retrouve aujourd’hui avec mes collègues dans le monde du travail. Au niveau de la formation pure, je n’ai pas grand-chose à dire non plus, je pense avoir été très bien préparé au monde du travail. Malgré le fait que certains principes ou logiciels peuvent changer, les fondamentaux restent les mêmes et l’envie d’apprendre que l’on acquiert au cours de la formation est à mes yeux un gros atout une fois arrivé dans le monde du travail, puisqu’on continue cet apprentissage grâce à nos collègues et nos supérieurs.

Comment te projettes-tu pour la suite ?

L.L. : Je vais bientôt changer de département pour aller en lighting, ce qui devrait m’occuper encore un petit moment. Après ce film, il y aura sûrement de nouveaux projets chez Mikros me permettant peut-être de rester, mais je ne suis pas non plus fermée à l’idée de changer de studio, de ville, ou même de pays. Ça dépendra de plein de choses et je n’y ai pas encore réfléchi. Mon permis de travail actuel s’étend jusqu’en novembre 2023 donc je vais rester au Canada au moins jusque-là et après on verra.

Montréal photo Lucie Laudrin

M.T. : Pour l’instant je suis très content d’être sur ce type de production. Je sens que je progresse et que j’apprends tous les jours, on a en plus la chance de pouvoir s’occuper de pas mal de choses en lighting, puisque si l’on peut régler un problème du shot nous même sans le renvoyer aux départements en amont, on est encouragés à le faire. Pour la suite je pourrais sûrement me laisser tenter par une expérience à l’étranger, j’aimerais aussi beaucoup essayer une production en vfx, sur un poste un peu plus généraliste si c’est possible. On verra en fonction des opportunités qui se présenteront.

La vie à l’étranger, c’est comment ?

L.L. : J’ai un peu l’impression d’être en vacances ahah, je ne me sens pas vraiment chez moi et Montréal ne sera sûrement qu’une ville de passage dans ma vie, mais c’est une très chouette expérience d’être venue ici. J’aime le fait de découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles villes, de nouveaux paysages, et comme tout est nouveau pour moi ici, j’ai de quoi faire !

Montréal est une grande ville mais elle a l’avantage d’être proche de la nature, il y a beaucoup de parcs urbains accessibles en transports en commun et d’immenses parcs nationaux à quelques heures de route quand on a une voiture. Pour moi qui aime marcher et qui fait de la photographie animalière, c’est vraiment une belle destination. Il y a plein de nouvelles espèces à découvrir ici, autant au niveau des mammifères qu’au niveau des oiseaux, alors j’en prends plein les yeux tous les week-ends.

écureuil photo lucie laudrin

Commentaire libre

L.L. : Petit mot pour les étudiants : Accrochez-vous ! Les études peuvent être difficiles mais elles offrent des opportunités incroyables, on peut travailler à peu près partout dans le monde et sur de très chouettes projets ! On peut s’épanouir dans notre métier, et rien que pour ça je pense qu’on a vraiment de la chance.

oiseau photo lucie laudrin

renard dans la neige photo lucie laudrin

parc national canada photo lucie laudrin

Images : travaux issus des films Mésozoïque Alternatif et Bourdonnement.
Photos de Lucie Laudrin.