Masterclass avec Lionel Pouchard, storyboard artist

L’art de dessiner des histoires…

Cette année, l’ESMA de Montpellier a eu le privilège d’accueillir pour la première fois l’intervenant Lionel Pouchard, storyboard artist. Depuis plus de 25 ans, il évolue dans l’industrie du cinéma en tant que storyboard artist mais pas que, aussi comme scénariste et concepteur et illustrateur. Sa carrière l’a amené à contribuer à de nombreux longs-métrages connus comme Blood Diamond, Syriana, La promesse de l’aube, Camping (1-2-3), Mesrine, l’Odyssée ou encore en participant à la fameuse série Braquo. Ces nombreuses productions, françaises et internationales, lui ont permis de se confronter à des situations et des façons de travailler variées.

Aujourd’hui, toute cette expérience et ce savoir accumulé, il le dispense auprès d’étudiants en parallèle de son activité. Au-delà d’être un expert dans son domaine, c’est surtout un passionné d’histoire et de la manière de les raconte pour produire l’impact recherché.

Pendant deux jours Lionel Pouchard a rencontré les étudiants de quatrième année de la formation Cinéma d’Animation 3D et Effets Spéciaux afin d’échanger avec eux autour de leurs film de fin d’études. En tant que spécialiste du storytelling, ou l’art de raconter les histoires de manière verbale, il a apporté aux étudiants un regard extérieur sur leurs films ainsi qu’un éclairage, du point de vue d’un storyboard artist, sur l’art de raconter des histoires de manière visuelle.

Une rencontre particulièrement enrichissante pour les étudiants qui en sont d’ailleurs ressortis ravis de cette expérience. Et comme plusieurs d’entre eux le soulignaient à la fin de cette masterclass, ils étaient soulagés de constater qu’un professionnel comme lui – spécialiste des histoires – comprenait leur messages et leurs intentions. De quoi les rassurer un peu avant la projection sur grand écran lors du jury de septembre !

Retour sur ces deux journées de rencontres et d’échanges

Lionel Pouchard se confie sur ces deux jours passés en compagnie des étudiants :

Pour moi cela a été un privilège d’être accueilli dans leur univers ! Mon objectif était de leur venir en aide, de me servir de ce qu’ils avaient déjà afin de faire de leur bonne histoire une histoire excellente. Les étudiants ont tellement travaillé leur narration, retourné l’histoire dans tous les sens qu’il ne restait plus qu’à faire des ajustement parce que ce sont justement grâce à ces ajustements que l’on peut rendre une histoire plus forte. Pour cela, il m’a fallu comprendre leur point de vue, visualiser les choses et faire en sorte qu’ils se posent les bonnes questions au bon moment. Je ne suis pas venu pour juger leurs planches de storyboard mais plutôt pour les accompagner dans leur histoire et leur faire comprendre qu’un storyboard n’est efficace qu’à partir du moment où il raconte visuellement ce qui a été défini verbalement.

Grâce à la création de ce premier court-métrage, les étudiants découvrent petit à petit comment on fabrique un film. Mon expérience me permet de savoir directement ce que les étudiants ont en tête et je les aide à aller là où ils veulent aller. En discutant, ils redécouvrent leur film et comprennent mieux la portée sous-jacente de leur histoire. Ils ont tout cela en eux mais ont un mal fou à l’exprimer.

Leurs films sont toujours de belles surprises, avec du fond aux messages géniaux ! Ce n’est pas la technique qui diverti les gens, c’est ce que vous faites et racontez avec. La forme oui, mais pas sans fond. A l’ESMA ce n’est pas le cas et d’ailleurs on peut le constater en suivant l’évolution des films au fil des ans. C’est la preuve d’un enseignement de valeur.

Quelle vision du métier de storyboard artist

Le métier de storyboard artist étant assez mal connu, nous voulions savoir quel regard portait dessus Lionel Pouchard :

Le storyboard est la première vraie visualisation d’un film. C’est un outil tant artistique que technique, une succession d’images dessinées dont l’objectif est d’illustrer une histoire et sa mise en scène. Tous les éléments d’un plan doivent raconter quelque chose. Savoir les gérer, les organiser, image par image, scène par scène, permet de raconter clairement et efficacement cette histoire.

Le storyboard, c’est un peu comme un plan d’architecte. On réfléchit en amont sur le papier avant de pouvoir construire le film. On veille à ne pas poser le papier peint avant d’avoir préalablement construit les fondations et les murs.

On travaille en étroite relation avec le metteur en scène afin de comprendre ses attentes et la vision qu’il a du projet. Etre storyboard artist implique de maîtriser et de comprendre et maîtriser la grammaire cinématographique : les mouvements de caméra, les focales, la composition de l’image, le jeu d’acteurs… Il faut être curieux et ne pas hésiter à vouloir apprendre.

En animation 3D le storyboard est primordial car la production d’un film est coûteuse. Tout doit donc être réfléchi et déterminé à l’avance. Du fait de son importance dans ce secteur, le métier de storyboarder tend à se démocratiser.

Conseils de pro

En guide de conclusions, nous lui avons demandé de partager avec nous quelques conseils :

Une des clés du storytelling et du storyboarding c’est « une idée à la fois ». Le spectateur ne peut focaliser son attention sur plusieurs choses en même temps. Notre travail consiste à organiser et hiérarchiser les éléments d’un plan afin de lui imposer un ordre de lecture. Si ce n’est pas le cas, il peut perdre le fil de l’histoire et finalement décrocher.

Ensuite, il est important de ne pas donner toutes les informations tout de suite et en même temps. C’est ce qu’on appelle le story-delaying. Il faut distiller ces informations, semer des petites graines au fil de l’histoire pour que, le moment venu, elles aient l’impact souhaité. Rien de mieux que de titiller l’intérêt du spectateur, le rendre acteur et pas seulement spectateur.

Quelques mots sur le métier de storyboard artist

Un storyboard artist a pour mission de réaliser le storyboard d’un film – court ou long métrage -, d’une publicité, d’un clip… c’est-à-dire, en amont du tournage et à partir du script et du scénario, représenter de manière dessinée les scènes composant le projet. Ainsi sont retranscrits les personnages et décors, les mouvements de la caméra et son orientation, les effets spéciaux etc. de manière successive plan après plan. La représentation peut être en couleurs ou en nuances de gris.

Le storyboard artist peut préparer l’ensemble du film ou bien n’intervenir que sur certaines scènes clés (complexes ou comprenant des effets spéciaux…). Cela permet aussi de visualiser ce qui fonctionne ou non, les faiblesses, les ruptures narratives… en exposant ainsi le scénario de manière visuelle.

Au-delà de savoir manier le crayon, le storyboard artist se doit surtout de connaître « la grammaire cinématographie » c’est-à-dire l’ensemble des éléments (humains comme matériel) intervenants et comprendre une scène dans sa continuité. Tout ce savoir est nécessaire pour obtenir un storyboard de qualité et donc un rendu filmé qui l’est tout autant.

Pour aller plus loin, nous vous invitons à lire les articles suivants que nous avions publié sur le sujet :

Qu’est-ce qu’un storyboard

5 étapes pour créer son storyboard