Lucie Martinetto
Récemment nommée aux VES Awards, Lucie Martinetto est sortie de l’ESMA à tout juste 20 ans. La Montpelliéraine a travaillé à l’étranger (Londres, Canada) avant de s’installer à Montpellier. L’Héraultaise s’est spécialisée dans le rigging facial, domaine où elle excelle.
Retour sur tes années ESMA
QUEL A éTé TON CURSUS AVANT D’INTéGRER L’ESMA ?
Après un bac S en physique / chimie où j’ai obtenu une mention très bien, je voulais être ingénieure aéronautique. Je n’ai pas été acceptée dans les écoles. J’ai réfléchi ! Ma mère est artiste. J’ai toujours aussi beaucoup dessiné, aimé le cinéma d’animation. Mon voisin Totoro, c’est vraiment le film d’animation en 2D produit par le studio Ghibli qui m’a marqué quand j’étais jeune. C’est le premier film que j’ai vu au cinéma. En 3D, les productions Dreamworks avec Shrek, Kung Fu Panda, Les Cinq Légendes m’ont fait rêver toute mon enfance !
D’Où LE CHOIX D’INTéGRER UNE FORMATION CINéMA D’ANIMATION 3D ?
J’avais un an d’avance, mes parents m’ont dit : essaie une école artistique. Il se trouve aussi que mon père a un collègue dont la fille (Chloé Bonnet) était à l’ESMA en dernière année de cinéma d’animation 3D. Elle m’a tout expliqué, m’a présenté la formation. Cela a débloqué une partie de mon cerveau. D’un coup je me suis dit : « je peux bosser sur ce qui me passionne depuis l’enfance : le cinéma d’animation ou le jeu vidéo« . Savoir que je pouvais en faire un métier, c’est devenu une évidence ! Je suis de Montpellier, je suis bien ici. Du coup, à 17 ans j’ai intégré l’ESMA sans passer par la MANAA car j’avais déjà des bonnes compétences en dessin. A l’époque, le cursus durait trois ans. Du coup à 20 ans, j’ai eu mon diplôme. J’étais super contente !
QUEL EST TON RESSENTI DU CYCLE D’éTUDES ?
C’est un cursus très exigeant. J’ai pris en maturité assez rapidement grâce à cela. Nous étions une quarantaine en fin de cycle, cela a permis de créer des liens très forts avec les gens avec lesquels j’ai fait la formation, c’était comme une famille. Le cursus m’a apporté vraiment une rigueur de travail. Il y avait une émulation très intense gage de compétences et d’ouverture. Dans le réseau de l’ESMA on sait que les étudiants sortent avec un certain standing. On sait que son diplôme vaut quelque chose dans le milieu du cinéma d’animation.
POURQUOI T’êTRE SPéCIALISéE DANS LE RIGGING ? EN QUOI CELA CONSISTE-T-IL ET EN QUOI CELA TE PLAîT-IL ?
Je viens d’un Bac S, donc j’ai un esprit plutôt mathématique, scientifique. Être rigger c’était vraiment une alliance des deux domaines : créativité et technicité. Par exemple dans mon travail de tous les jours je fais du code, il y a un côté où on doit aussi étudier l’anatomie. On aborde le rigging qu’en deuxième année. Je me suis dit que cette spécialisation me plaisait le plus. D’ailleurs, sur le film de fin d’études j’ai fait le rigging. Je ne voulais pas faire autre chose, dans ma tête c’était une évidence. Le rigging, c’est un métier de l’ombre qui consiste à donner la capacité de mouvement à ce qui est inanimé comme pour une marionnette. Je permets aux animateurs de créer les émotions. Le rigging, c’est un secteur niche, un métier de pénurie, recherché, que peu de personnes veulent faire mais c’est un département-clé où l’on doit s’adapter dans chaque studio.
COMMENT S’EST PASSéE TON IMMERSION PROFESSIONNELLE APRèS LA SORTIE DE L’ESMA ?
Cela s’est super bien passé ! J’avais un travail avant d’avoir mon diplôme à la suite d’une rencontre au Festival d’Annecy. J’avais signé un contrat et je savais que j’allais partir à Londres. C’était rassurant pour moi et la famille. L’ESMA m’a donné les outils mais aussi m’a incitée à être curieuse, à savoir m’adapter. J’avais la boîte à outils. Et une famille professionnelle.
Visionnez le replay de Lucie Martinetto qui revient sur son parcours professionnel et sa nomination aux VES Awards.
Ton parcours professionnel
PARLE-NOUS DES DIFFéRENTS PROJETS SUR LESQUELS TU AS éTé AMENéE à TRAVAILLER DANS LES DIFFéRENTS STUDIOS Où TU AS EXERCé NOTAMMENT à L’éTRANGER ?
Au départ, je n’avais pas envie de bosser à l’étranger. Je suis très casanière. Puis je me suis dit : « je vais privilégier ma carrière, après je ferai ce que je veux de ma vie personnelle« . Je suis donc partie à Londres chez The Mill, une boîte de publicité, pour Lexus, Netto, Deutsche Telekom, Chanel, etc.
Puis j’ai été embauché par Framestore toujours à Londres comme riggeuse sur Les Animaux Fantastiques 2. Cela se passait sur les plateaux de tournage de Warner Bros. C’était incroyable ! Là-bas, j’ai croisé Tom Cruise, Hugh Grant, Johnny Depp, Jude Law, J.K. Rawling, Elie Semoun, Gad Elmaleh, Olivier Nakache et Daniel Radcliffe mon idole d’enfance. Je me suis dit que ça y est, je peux mourir en paix (rires). Entre midi et deux, on allait déambuler sur les plateaux de Tom Raider ou Paddington 2. Tout ceci pendant presque un an !
Ensuite direction le Québec en 2018 avec L’Atelier Animation sur un court métrage du Parc Astérix qui s’appelle Attention Menhir et dans la foulée un long-métrage Fireheart sorti en 2022, Vaillante en français sur lequel j’ai fait du développement facial et c’est là que mon amour pour le rigging facial, une spécialité dans la spécialité, va éclore. Mon superviseur a démissionné, cela m’est retombé sur les épaules avec plus de responsabilités notamment de management d’une petite équipe. Une super opportunité pour moi !
Ensuite, retour à Framestore qui me sollicite à nouveau pour la succursale de Montréal. J’ai travaillé sur Tom et Jerry, Peter et Wendy pour le développement facial des personnages. Un gros projet puis La Petite Némo et le monde des rêves où j’ai été nommée pour les VES Awards. J’étais en charge de faire du rigging sur le projet. Et donc de A à Z, j’ai riggé tous les personnages dont le petit cochon qui a été nominé. C’est assez fou !
TON IMPRESSION à LA SUITE DE CETTE NOMINATION ?
C’est pour moi un réel accomplissement et plus globalement pour un artiste dans le cinéma et les effets spéciaux. Je suis fière de moi ! C’est un très gros événement, quoiqu’il arrive je m’en souviendrais toute ma vie. C’est une reconnaissance de mes pairs pour un département qui travaille dans l’ombre comme je l’ai déjà dit. Il y avait du lourd dans notre catégorie avec Avatar, Disney Pinocchio : Honest John, Beast : Lion. Cela donne à la nomination un côté savoureux au milieu des grands.
COMMENT CELA SE PASSE-T-IL CHEZ FRAMESTORE ?
C’est une grosse boîte, la plus grande au monde en termes d’effectifs dans les effets spéciaux, de nombre d’artistes. Une usine ! L’avantage c’est que l’on peut se spécialiser totalement dans son domaine. Cela permet de créer encore plus de réseaux. Il y avait par exemple à une cinquantaine de riggers à Montréal. Montréal, c’est une forme d’Eldorado pour les Français : on est bien payé, les loyers ne sont pas chers, il y a énormément d’opportunités de travail. Ce côté-là c’est super, ce serait encore plus super si c’était à deux heures d’avion de Montpellier.
QUELLES SONT LES QUALITéS QUE TU DOIS AFFICHER DANS TON TRAVAIL ?
Il faut savoir s’adapter ! L’ESMA m’a donné la boîte à outils, c’est un acquis qui permet d’être serein. Dans chaque entreprise, on apprend plein de nouvelles choses. Tout est fait différemment selon les entreprises. Le monde de la 3D est assez jeune, la technologie s’améliore d’année en année, il y a de nouveaux logiciels, l’intelligence artificielle. Il faut rester au goût du jour, aller voir des conférences, s’informer de l’actualité ; les studios nous permettent de nous former.
Dans l’univers du rigging, Chat GPT est en train d’exploser et peut créer du code pour nous mais c’est imparfait. Je vois plutôt ça comme un outil qui va permettre de travailler plus rapidement. Je n’ai pas de souci avec cela.
TU ES DéSORMAIS INSTALLéE à MONTPELLIER ?
Oui ! J’ai demandé à Framestore de revenir en France durant la pandémie dans un premier temps comme freelance pour leur studio londonien.
Au bout d’un certain temps, je me voyais plus au sein d’un studio français c’est pourquoi j’ai saisi l’opportunité de collaborer avec Unit Image depuis mai 2022 toujours en étant installé chez moi en télétravaillant à Montpellier. C’est hyper agréable de pouvoir travailler d’où on veut !
Le studio Unit Image est spécialisé dans les bandes-annonces de jeux vidéo, des grosses licences. Je ne peux pas vous en dire plus, c’est confidentiel !
(ndlr : depuis l’interview, Lucie a intégré le studio Fortiche Production)
Pour conclure
ET DANS 5 ANS, Où SERAS-TU ? UNE AMBITION ULTIME à MOYEN OU LONG TERME ?
Travailler pour un studio français dans le sud de la France où cela bouge beaucoup, ce serait génial et avoir des responsabilités sur des projets intéressants, d’envergure internationale. En tout cas, je remercie l’ESMA de m’avoir permis de vivre de ma passion !
DES CONSEILS POUR LES FUTURS éTUDIANTS ?
Pour rentrer à l’ESMA, il faut présenter un portfolio, montrer que le milieu artistique vous intéresse. Il faut être motivé, toujours être à fond, curieux, être ouvert et… de bonne humeur. L’ESMA, c’est le moment d’acquérir des compétences dans le secteur qui est en pleine explosion.
L’investissement personnel est primordial ! Le talent c’est d’avoir envie d’apprendre. L’aspect humain et relationnel est très important. Le networking commence à l’école, entre étudiants qui sont, de facto, nos futurs collègues qui montent parfois leur studio.
Lorsqu’on sort de l’école il faut toujours accepter un entretien d’embauche.
Aujourd’hui Rigging Artist chez Ubisoft, retrouvez la suite de son parcours professionnel passionnant dans sa nouvelle interview :