Clément Poulain
Temps d’échange avec Clément Poulain, diplômé en 2016 de la formation Cinéma d’Animation 3D et Effets Spéciaux à Nantes. Il a pu concrétiser son rêve professionnel en gérant le pipeline de studios. Découvrez son portrait.
Retour sur tes années ESMA
Qu’est-ce qui t’a amené à t’inscrire à l’ESMA ?
J’ai commencé à m’intéresser à la 3D au lycée, avec deux copains nous avons eu la bonne idée de vouloir créer un jeu vidéo de type MMO durant nos années de première et terminale. Ce projet n’a jamais abouti évidemment car il était de trop grande ampleur, mais j’ai tout de même continué à m’amuser sur de plus petits projets par la suite.
Quelques années plus tard, en faisant les journées portes ouvertes d’écoles d’animation, beaucoup d’entre elles m’ont déçu. J’avais remarqué, en discutant avec les étudiants de 1re et 2e année, qu’ils effectuaient des exercices que je réalisais déjà à la maison.
Mais en découvrant la Journée Portes Ouvertes de l’ESMA, c’était tout à fait différent ! J’ai tout de suite remarqué que les travaux des étudiants étaient d’un tout autre niveau. C’est donc pour cette raison que j’ai postulé uniquement pour cette école.
De plus, je voulais faire de ma passion mon métier. Je souhaitais pousser mes compétences techniques et artistiques à un très haut niveau.
Qu’est-ce que la formation t’a apporté ?
Cette formation m’a permis d’atteindre mon but, qui était d’enrichir mes compétences 3D, mais aussi beaucoup plus. J’ai découvert des aspects de l’industrie que je ne connaissais pas, de nouvelles possibilités de métiers dont je n’avais jamais entendu parler.
Qu’est-ce qui t’a marqué pendant ces années à l’école ?
La vie au campus était exceptionnelle mais ce qui m’a marqué le plus c’était la dernière année, bien évidemment ! Une année, une tâche. Celle de réaliser un court-métrage en équipe de 5.
Cela nous faisait non seulement utiliser tout ce que l‘on avait appris pendant notre cursus, mais aussi nous préparer au monde et à l’ambiance du travail.
Elle nous a fait grandir, tout simplement.
Tu as travaillé sur Ad Vitam Aeternam, peux-tu nous dire quel rôle tu avais et comment cela s’est passé ?
L’été avant le court-métrage, j’avais travaillé sur un auto-rig, ce qui nous a permis de gagner pas mal de temps au niveau de la production. Ensuite je me suis occupé des cycles de marche, en animation, car une grosse partie du film était une balade en forêt. Et enfin, animer une bonne partie des plans du film.
En parallèle à cela, j’étais aussi le technicien du groupe, à dépanner les copains ou à écrire des scripts en MEL ou Python pour faciliter les tâches répétitives.
Nous avions une très bonne équipe, mais nous avons dû couper 2-3 plans, réduire un peu nos envies au rendu et bien sûr finir à la dernière minute. Cela a été pour nous, une aventure exceptionnelle et nous étions tous heureux et fiers de présenter notre film au cinéma.
Savais-tu déjà ce que tu voulais faire à la sortie de l’école ? Si oui, as-tu essayé, au fil des années à l’école, de te spécialiser dans ce(s) domaine(s) ?
Oui, je savais dans quelle direction je voulais aller assez tôt. Dès que j’ai commencé les cours de rig et à jouer avec le script editor, j’ai tout de suite su que c’était pour moi. Donc j’ai commencé à faire des exercices en plus sur mon temps libre, à faire des recherches sur comment optimiser les scènes par exemple. Et quelques mois plus tard, mes camarades de classe me faisaient confiance pour venir me poser des questions quand notre professeur était occupé avec un autre élève.
Mais à la fin de mes études, j’étais toujours partagé entre le rigging et le pipeline. J’ai eu la chance de trouver une opportunité qui m’a permis d’être embauché en tant que rigger et pipeline.
Ton parcours professionnel
Comment s’est passée ta rentrée dans le monde professionnel ?
Ma rentrée dans le monde professionnel s’est très bien passée ! Je me suis senti à ma place, préparé, et mes collègues m’ont fait confiance très vite, ce qui m’a permis de m’intégrer encore plus rapidement. Comme je le disais plus haut, j’ai aussi eu beaucoup de chance lors de mon premier emploi. En effet, j’ai pu choisir entre le rigging et le pipeline, l’activité que je voulais approfondir. Pendant les deux premiers mois, j’ai fait un peu de rigging et du pipeline, ce qui m’a permis, finalement, de faire un choix au niveau de ces deux disciplines. En effet, j’ai très vite su que c’était le pipeline que je devais approfondir.
Tu travailles maintenant à Londres, comment s’est passé ton arrivée dans un pays étranger ?
Les premières semaines étaient très chargées et très fatigantes. Il fallait à la fois travailler, se familiariser avec la langue, les différents accents de chacun, trouver un logement, ouvrir un nouveau compte bancaire et j’en passe !
Mais ce qui m’a le plus marqué c’était le niveau de concentration requis pour, à la fois faire mon travail mais aussi rester à l’écoute de mes collègues dans une nouvelle langue.
Mis à part cela, c’était le pied ! Faire de nouvelles rencontres avec des personnes venant des quatre coins du monde, explorer une nouvelle ville avec plein de cultures différentes. Et tout ça, largement faisable avec un anglais moyen !
Quels postes as-tu occupés, dans quelles structures, depuis ton diplôme ?
J’ai commencé en tant que Pipeline Junior a Squint/Opera pour la saison 2 de Messy goes to Okido. Nous étions seulement 2 Pipeline TDs pour une équipe qui a grandi jusqu’à 60-70 artistes, ce qui m’a très vite mis dans le bain. Une fois la série d’animation terminée, j’ai travaillé pendant quelques mois pour leurs départements d’architecture et d’effets spéciaux.
Ensuite je me suis fait recruter par Dupe Vfx, une toute nouvelle boîte qui se montait, pour être l’unique Pipeline TD de l’équipe. Principalement sur des projets 2D comme Sex Education, j’ai donc créé un pipeline pour Nuke et Data I/O pour à la fois supporter les artistes et l’équipe de production.
Enfin, cet été, c’est Jellyfish Pictures qui m’a recruté en tant que Pipeline TD. Puis, très vite ce studio m’a promu en tant que Lead Pipeline TD, nous travaillons sur des projets 2D et 3D avec une équipe de 10 Pipeline TDs.
Aujourd’hui, tu travailles chez Jellyfish Pictures. Quel est ton poste ? En quoi cela consiste-t-il au quotidien ?
Aujourd’hui je suis l’un des deux Lead Pipeline TDs chez Jellyfish Pictures. Je continue à faire beaucoup de développement, comme ferait un Pipeline TD et je participe à des réunions avec d’autres Leads de départements. Ces réunions consistent à décider d’un flux de travail, déterminer la priorité de chaque tâche en fonction de ce qui existe déjà et des besoins des projets. Celles-ci me permettent par la suite de gérer mon équipe, répartir le travail, et de donner, si besoin, des informations ou des conseils sur ces tâches.
Qu’est-ce qui te plaît dans ton travail actuellement ?
J’aime tous les aspects de mon travail. Mais dans une certaine mesure, tous ces aspects reviennent à venir en aide ou à transmettre un savoir à quelqu’un d’autre.
Par exemple, aider un artiste qui a un souci technique ou qui n’est pas sûr de lui pour effectuer une tâche. Entraîner, éduquer un développeur dans sa manière de coder par le biais de codes reviews. Mais aussi lorsque je crée un nouvel outil, celui-ci aussi répond à un besoin de production et dans de bon nombre de cas évite de nombreux clics à ses utilisateurs.
Quel est le projet sur lequel tu as le plus aimé travailler ? Celui dont tu es le plus fier ?
En tant que Pipeline TD, on ne travaille pas tellement par projet mais plus pour le studio en lui-même. Dans une optique de créer des outils pour tous les projets actuels et ceux à venir.
Ceci étant dit, le projet qui m’a le plus marqué est sans doute Messy goes to Okido. C’est le projet le plus long sur lequel j’ai travaillé, environ 1 an et demi. Et à force de travailler sur le même projet avec les mêmes personnes pendant une longue période comme celle-ci, vos collègues deviennent des amis très proches, une petite famille. C’est aussi le premier projet sur lequel j’ai travaillé et qu’on a tout simplement qu’une seule première fois.
Pour conclure
Enfin, dis-nous tes projets pour la suite ? Comment te vois-tu dans quelques années ?
Ma promotion en tant que Lead est très récente, donc je vais sûrement rester dans ce poste actuel pendant une dizaine d’années. La suite logique serait de devenir Head, mais ceci implique de ne plus faire de développement et de gérer les équipes et chaque département à temps complet. Quelque chose qui ne m’attire pas pour le moment.
En revanche, retourner travailler pour de plus petits studios, pour aider à la création de leur premier pipeline, est quelque chose que j’envisage plus.
Quels conseils donnerais-tu aux étudiants aujourd’hui pour réussir leur diplôme ?
Avant tout, faites-vous plaisir. De longues semaines vous attendent durant la formation, mais aussi dans le monde du travail par la suite. Il est aussi très important de vous intéresser à tous les domaines, parce qu’au final, tout est connecté. Vous voulez vous spécialiser dans le modeling, très bien, mais vous devez savoir comment on anime, ou votre personnage ne va jamais pouvoir prendre vie.
Dans le même esprit, rester à l’écoute. Une astuce dans un software pour une tâche spécifique peut-être utilisée dans un autre software pour quelque chose de complètement différent. Chaque DCC n’est qu’un outil, il y a plein de façons de faire la même chose, la seule limite étant votre imagination.
Enfin, pensez à optimiser ce que vous faites. Cela vous fera gagner du temps et beaucoup d’énergie.